AU CHÂTAIGNIER
Il y a fort longtemps, une châtaigne tombée au sol a germé doucement. Le germe a craquelé le fruit et a poussé en direction de la Mère-Terre en laquelle il s'est enfoui dans une union sacrée et fructueuse puisqu'il a trouvé là, dans le sein de la mère, la nourriture nécessaire à sa croissance.
Une feuille, puis une autre et encore une autre, et voilà qu'un jeune tronc tendre s'est élevé vers le Ciel-Père pour s'y nourrir de sa lumière et de la pluie bienveillante.
Le châtaignier s'est développé, son tronc, de plus en plus puissant au fil des ans des ans a supporté des branches épaisses et lourdes. Et tout autour de lui, les arbres se sont écartés pour lui laisser la place de s'étendre en majesté.
C'est que ce châtaignier est un sage qui dès son plus jeune âge a appris de la vie, la patience et l'accueil, celui des oiseaux, des insectes, des écureuils qui passaient par là, et plus tard, lorsqu'il est devenu vraiment solide, des sangliers et des chevreuils venant se frotter à lui après s'être ébroués dans les souilles.
Il a appris à perdre ses feuilles chaque automne, se dévêtant de sa parure verdoyante comme on se défait d'une belle robe de bal qui cache une autre personnalité, il a appris à se défaire du paraître et à se montrer dans sa nudité la plus vraie, ne dissimulant rien de lui.
Il a appris également à perdre des branches et malgré cela à poursuivre sa croissance, même son écorce s'en est allée par endroit, qu'importe ! Sa flamme de vie est plus forte que tous les obstacles et aléas de la vie ! Il a bien fallu commencer par sortir de terre alors qu'il n'était qu'une petite pousse, si fragile et pourtant si puissante déjà !
Il a appris que l'on se doit de se débarrasser de l'ancien en se dévêtant de ses feuilles et de ses branches mortes, et chaque année, il s'y atèle joyeusement rentrant sa sève dans ses racines au plus profond de lui.
Et pendant les hivers, il a médité, les racines bien au chaud dans le ventre de la Mère et la ramure au contact de l'air, du froid, du Père. Et il s'est réveillé à chaque printemps avec de nouvelles pousses qui étaient autant d'idées, de pensées, de créations fertiles.
Il a donné des fruits qui savent se protéger avant que d'être prêts à se laisser manger, car rien ne vient avant l'heure, il faut savoir attendre et quand les fruits sont mûrs, ils se savourent, et des fleurs odorantes qui le paraient d'or et bruissaient des ailes des abeilles.
Oui, il a accompli cela pendant au moins deux ans et je vais vous dire un secret, il continue à grandir et à fructifier, chaque année est une occasion de devenir plus sage, plus savant, plus aimant, plus fort malgré les branches mortes, plus serein et aussi un appui plus grand pour tous ceux qui s'en viennent sur lui ou bien s'asseoir auprès de lui.
Colette-Sidhana
01/07/2018
