Chante la Louve !

Chante la Louve !

IMPATIENCE

IMPATIENCE

 

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Le vent souffle sur la grève. Une femme dans le soir, assise sur la roche rose contemple la mer. Contemple la mer ? Non, elle est perdue dans ses limbes intérieures, la mer n'est qu'un décors à ses souvenirs, un son régulier qui vient caresser ses tympans.

 

Elle pleure doucement dans le vent, son tambour à la main, posé sur ses genoux. Elle respire lourdement, la vie est faite ainsi, de moments douloureux qu'il faut bien traverser pour aller vers demain. Elle le sait ! Bien sûr, elle a traversé d'autres épreuves bien plus difficiles, bien plus cruelles, mais aujourd'hui, la voilà démunie face à l'Océan de sa vie.

 

Tout y est, ses succès, ses échecs, ses espoirs inaboutis, ses rêves accomplis et cette lueur de joie qui est là logée dans les plis de ses rides aux coins des yeux.

 

Mais elle ne perçoit pas cette joie, elle n'est que douleur en ce jour.

 

C'est tout bête ! Elle vient d'avoir un léger accident de voiture, oh trois fois rien pour elle, un peu de tôle froissée mais la voiture de l'homme qu'elle a percuté est endommagée. Bien sûr il y a les assurances.... Mais cela ne change rien à sa responsabilité.

 

Trop vite, toujours trop vite, l'impatience ! Maudite impatience !!! Elle lui a toujours joué des tours. Comment refréner les chevaux qui piaffent en elle, comment accepter les délais que la vie impose même pour sortir d'un parking ? Pourquoi tant de hargne à vouloir aller plus vite que nécessaire ? Pourquoi ? Pourquoi ?

 

Elle n'en sait rien au fond.... Elle a toujours été impatiente et cela l'a conduite à bien des vicissitudes, à générer de la souffrance autour d'elle et en elle. Elle le sait et pourtant elle ne fait rien pour que cela change. Quel est donc ce moteur ? Qu'est-donc qui engendre cette impatience, ce désir de tout avoir, de tout vivre trop vite et n'importe comment, à n'importe quel prix ?

 

Le vent se fait plus violent et son tambour vibre tout contre elle. Il l'appelle. Elle le contemple dans les lumières du couchant. Le sentier côtier est désert. Des goélands volent encore et crient au passage.

 

Le tambour se fait plus pressant, le cœur de la femme se resserre, elle sait, elle sait qu'il veut lui transmettre une sagesse venue de la Terre elle-même, une leçon de vie, un éclairage, une proposition de changement. Mais voilà, elle semble encore paralysée par le choc de l'après-midi et tous les souvenirs qui remontent, tous les chocs de sa vie, tous ceux qu'elle a générés, une culpabilité monte en elle et l'envahit toute entière. Elle a causé du tord, beaucoup de tord. Elle voudrait revenir en arrière, changer le cours de son histoire mais c'est impossible, ce qui est fait est fait, ce qui est dit est dit.

 

Alors ? Se jeter dans la mer pour en finir ? Pff, elle se réincarnerait pour résoudre ce qu'elle n'aurait pas pu résoudre dans cette vie !! Non, ce n'est pas la solution. Que faire ? Comment vivre avec toute cette mémoire qui remonte dès qu'elle le peut et envahit toute sa conscience ?

 

Le tambour à présent tremble dans sa main.

 

Ok, Ok, elle va jouer !!

 

Sa mailloche bien en main, elle se lève et frappe la peau du tambour. Elle pleure doucement et puis le rythme devenant plus fort et les coups plus violents elle se laisse crier dans la nuit qui est tombée à présent et dans le bruit des vagues qui l'accompagnent dans un déferlement devenu plus puissant.

 

Oui, la mer répond à sa colère et les embruns bientôt viennent frapper son visage. Elle tape sur le tambour, elle crie, elle pleure et soudain, elle rit, elle rit !!

 

Des larmes au rire, du rire aux larmes, on la croirait hystérique, elle n'est qu'expression. Sa vie défile sous ses yeux clos, tout d'abord, seuls les souvenirs douloureux remontent, toutes ses responsabilités dans la souffrance d'autrui et dans la sienne, puis insidieusement, un regard éclairé, un sourire, un rire, un joli souvenir reviennent, puis deux, puis trois, et puis des expressions d'amour et de gratitude à son égard...

 

Et tout doucement, elle prend conscience de tout cela, la vie est faite ainsi de mille facettes et facéties qui nous emportent au fil des jours et des heures de bonheurs en souffrances et de souffrances en bonheurs. Des cycles qui nous amènent vers plus de sagesse. Cette fois-ci c'est l'impatience qui est son maître et vient lui parler du temps.

 

Laisser le temps au temps. Si elle l'avait fait, elle aurait pu traverser cette route sans encombre, au lieu de cela, elle s'est énervée car des voitures arrivaient de partout. Avait-elle un rendez-vous ? Oui avec elle-même, sacrée leçon !! Et pourtant elle en avait rêvé une semaine plus tôt, elle savait mais voilà, il ne suffit pas de savoir pour s'abstenir de plonger dans le noir !!

 

Combien de fois déjà, a-t-elle été avertie sans bien comprendre le message ? Elle ne saurait le dire.

 

Mais à présent, elle se calme et le rythme du tambour s'apaise. Les battements de cœur de la Terre l'accompagnent tendrement. Une chouette hulule dans le lointain. L'oiseau qui voit la nuit l'aide à percer ses ténèbres. Et la lumière en elle, vient éclairer sa conscience. Elle se réconcilie avec elle-même et puis elle éclate de rire, un rire quelque peu sarcastique quand même !!

 

Juste avant l'accident, elle se demandait si elle allait trouver un garage pour la révision de sa voiture dans les environs de son nouveau lieu de vie et voilà que le conducteur de l'autre véhicule l'a conduite à un garage où toutes les marques de voiture peuvent être suivies.... Comme quoi, la vie répond toujours à nos questions ! Alors patience et merci pour l'enseignement !!!

 

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Colette Leclercq



14/05/2016
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