LA FÉE ET LE PRINCE DE L'EAU
La Fée et le Prince de l'eau
Dans la lumière du solstice, dernier feu flamboyant d'un Soleil qui peu à peu va décliner, elle danse dans la lande. Elle est toute menue, on la distingue à peine entre les herbes hautes, mais elle est bien là. Si Jolie dans sa robe jaune, que le Soleil en sourit. Elle danse, oui elle danse, ses pieds frôlent à peine le sol et avec elle dansent les papillons en une ronde multicolore.
Elle saute soudain sur le dos d'un mulot qui passait par là et riant à gorge déployée, se laisse entraîner dans une course folle au milieu des graminées qui s'amusent devant le spectacle d'un mulot affolé et d'une fée riant aux éclats.
Puis elle se laisse glisser au sol tandis que l'apodemus passe près d'un étang. Comme des corolles offertes aux cieux, des nénuphars fleurissent l'onde douce où se mirent les saules dans lesquels des mésanges s'agitent.
Doucement, elle s'avance, sans faire de bruit pour ne pas déranger les grenouilles qui chantent à tue-tête en gonflant leurs joues.
Elle entre dans l'eau, elle a rendez-vous. C'est le solstice d'été, à cette date tous les ans depuis bien des lustres, elle vient ici, juste à cet endroit au bord de l'eau, où une porte invisible à l'humain, est dessinée sur le sol, une porte qui a la forme de la croix celtique. Dès qu'elle pose le pied dessus la porte s'ouvre et voilà la jeune fée entraînée dans les profondeurs de l'étang, suivant un toboggan aux couleurs arc-en-ciel, sans même être mouillée. Heureusement, car elle ne sait pas nager.
Elle franchit une porte identique à celle qui lui a livré le passage et pénètre dans le royaume du prince de l'eau. Elle progresse dans des rues aux chatoyantes couleurs. Les habitants de ce royaume ne sont pas plus grands qu'elle et comme elle appartiennent au royaume des fées. A vrai dire, ils se sont réfugiés là lorsque leur royaume terrestre a été détruit par des êtres d'une espèce nouvelle appelée « humains ». Humains ? Ceux qui hument ? Voilà ce que s'était demandé l'ancêtre du prince, peut-être ces humains avaient-ils un odorat bien développé, ce qui était sûr c'est qu'ils avaient grandement besoin de défricher les bois, les landes et qu'il n'y avait pas de place pour tout le monde en surface. Et c'est ainsi que certains peuples se retrouvèrent dans d'autres plans terrestres comme le royaume sous l'étang.
La fée est toute heureuse, elle va retrouver son fiancé, ils ne se voient pas très souvent... Mais ils l'ont accepté tous les deux et se contente de leurs huit rendez-vous annuels. Elle ne saurait vivre loin des plantes et des champignons et lui ne saurait laisser son royaume.
Alors en ce soir de Lumière, elle s'en vient le cœur joyeux retrouver son aimé et la voilà qui entre dans la chambre où il l'attend.
C'est une bien jolie chambre, des tapisseries racontent la vie du temps où son peuple vivait à la surface et racontent les exploits des plus braves des braves et des jeunes filles à la peau claire et douce qui chantaient pour leur repos.
Elle s'avancent vers le lit, il vient à elle et enlacés, ils se donnent l'un à l'autre dans la passion de leur amour qui jamais ne faiblit, éternels fiancés ils sont. Ils ont la nuit pour eux et un jour entier, comme à chaque fois, ensuite, elle s'en retourne retrouver les siens qui vivent sous les racines d'un chêne tricentenaire.
Mais ce jour et cette nuit, sont autant que cent années et une pour nous, et cela revient huit fois dans l'année à l'échelle humaine ! Ce n'est pas rien !! Le temps est vraiment étrange songe-t-elle en s'installant pour la nuit auprès du prince de l'eau. Ils s'endorment tendrement enlacés. Et tous les matins du monde rosiraient de plaisir en les voyant se réveiller les yeux éperdus d'amour, le regard fixé dans celui de l'aimé.
Elle espère qu'un jour, la vie en surface redeviendra vivable pour tous les peuples qui se sont réfugiés dans d'autres plans. Qu'un jour les humains auront diminué en nombre et rendu à la nature sa place toute entière sous le Soleil et sous la neige, dans le vent et l'orage, dans la douceur d'un souffle tiède d'été, dans le vert du printemps, dans la magie des fleurs éclosent et du bourdonnement des insectes.Alors son Prince et elle pourront-ils enfin unir leur royaume et vivre libre sur une terre heureuse où les seuls humains qui subsisteront sauront distinguer dans les herbes hautes une fée vêtue de jaune qui danse avec son prince la valse du bonheur.
Colette Leclercq
Dessin et photo également
22 /06/2017
