Chante la Louve !

Chante la Louve !

LE RÊVE BLEU

012.JPG

 

Le rêve bleu

 

La femme à sa fenêtre regarde vivre le monde. Elle passe là le plus clair de son temps depuis que son compagnon s’en est allé sur les routes. Il lui a bien fallu accepter cette séparation car il n’aurait pas tenu un an de plus loin des montagnes qu’il aime à découvrir et escalader.

C’est qu’il croit que Dieu se tient en haut des montagnes, qu’il faut être plus près des nuages pour parler avec lui. Elle l’a laissé s’en aller, courir derrière ses chimères. C’est si important pour lui qui n’a pas eu de père…

 

Elle sait bien elle que si Dieu existe c’est bien dans le cœur de tout ce qui vit et qu’il n’est nul endroit plus propice qu’un autre pour le rencontrer.

 

Par la fenêtre de son salon, elle regarde les enfants jouer dans le jardin du Palais Royal. Jean Cocteau lui fait parfois un petit signe de la main, lorsque avec son amie Colette, il prend l’air en bas de chez eux. Ces moments sont délicieux, elle peut voir cet homme qu’elle admire plus que tout autre et cette femme révolutionnaire qui ose vivre ses passions.

 

C’est quelle dévore tout ce que Cocteau écrit, qu’elle veut voir toutes ses œuvres dessinées et peintes et ses pièces de théâtre. Cet homme est un génie, mal compris parfois, il est vrai. Elle échange parfois quelques mots avec lui et cela la remplit d’une joie douce qui la berce dans ces moments où l’homme qu’elle aime s’éloigne pour aller conquérir le toit du Monde, car c’est là son terrain de jeu privilégié : l’Everest.

 

Et que fait-elle de ses jours lorsqu’elle n’est pas absorbée par la contemplation de ce qui se passe dans le jardin ? Elle lit, vous l’aurez compris, va voir des expositions, coure au théâtre le plus souvent possible. Certes tout cela l’occupe. Mais chaque soir dans son lit quand vient l’heure d’éteindre la lumière, elle étreint son oreiller, le mouillant parfois de larmes brûlantes, mais surtout elle rêve.

 

Elle fait ce rêve bleu de cet homme qui l’aime et qu’elle aime et qui serait de retour et qui enfin dirait : « J’ai trouvé Dieu, il est au cœur de tout, je n’ai plus besoin d’escalader les sommets les plus hauts ! Regarde ! Il est dans mon cœur qui t’aime ! ».

 

Cet homme qui la coucherait sur son lit et tout doucement la dévêtirait comme si elle était ce qu’il y a de plus fragile, de plus beau au monde même si ses formes arrondies lui font parfois douter d’elle. Elle imagine les mains de son amant sur sa peau, sa bouche si douce s’emparant de ses lèvres, retrouve l’odeur de sa peau.

 

Elle rêve de leurs corps nus se donnant de l’amour doucement et si fort à la fois. Elle le sent en elle, au plus profond de son être que tout entier elle le laisse pénétrer, sans réserve car il est son élu. Et parfois, juste en l’imaginant elle sent le plaisir envahir ses reins et le laisse s’exprimer, l’emporter au plus près de cet homme auquel elle est reliée quelque soit la distance entre eux.

 

L’amour est une chose bien étrange, se dit-elle parfois. Une force nous pousse vers un être, on se fait une idée de ce qu’est une vie de couple, et puis en fait rien ne se passe comme prévu ! Cela la fait sourire devant sa fenêtre tandis qu’elle regarde des enfants jouer aux billes dans leurs culottes courtes et grises. Grises comme le ciel, mais qu’importe la couleur du ciel, c’est le ciel ! Il est toujours beau !

 

Elle aime et lui là-bas, l‘aime-t-il ? Ce n’est pas elle qui se pose la question, elle sait qu’il l’aime. Mais ses amies, ses sœurs qui ont tant besoin d’avoir leur homme à leurs côtés et qui doutent tant d’elles-mêmes qu’elles imaginent tout et n’importe quoi.

 

Oui, il l’aime ! Il pense à elle sur ses montagnes, l’imagine près de lui et comme elle, fait ce même rêve bleu de leurs étreintes. Mais il a une vision un peu différente puisqu’il l’imagine dans cette tente plantée là dans ces lieux incroyablement beau. Il l’imagine et il l’aime si fort, si fort à distance qu’elle doit le sentir, il en est sûr. Il ne se sent pas coupable, il sait qu’elle comprend, il sait aussi qu’un jour il ne viendra plus sur ces hauteurs et veut achever sa quête. Quelque part il sait qu’elle a une fin, il ne sais pas laquelle, c’est sa femme qui a la réponse, elle le lui a déjà dit, mais il ne peut l’entendre pour l’instant, il a besoin de le comprendre par lui-même. Cette soif de Dieu est plus forte que tout mais bien difficile à étancher !

 

Ce soir sous les étoiles, bien au chaud dans sa tente il pense à elle et leurs âmes se rejoignent dans ce rêve bleu qu’il font ensemble sans le savoir.

 

Colette Leclercq



06/02/2016
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Arts & Design pourraient vous intéresser