Chante la Louve !

(Taliésin et Merlin, dessin de Yuri Leitch)

Dans la lande qui s'éveille doucement sous le Soleil de Beltaine, il avance.

Les oiseaux volent autour de lui comme autant d'amis impatients de l'entendre jouer.

Et de toutes part viennent des biches et des cerfs, des laies et des sangliers, des hases et des lièvres, des renardes et des renards et bien d'autres encore qui s'avancent vers le lieu du rendez-vous sur la colline.

Mais voici que s'ouvrent les Mondes alors que Taliesin pose ses doigts sur la lyre.

Et Brigitt s'avance, et avec elle la cohorte des Dieux, oui ils s'en viennent boire aux lèvres du sublime Barde, les paroles de sagesse et les louanges des sages.

Dans le frissonnement du vent vibrent les cordes sous les doigts agiles qui donnent aux notes l'impulsion magique qui les fait résonner dans toute la Celtie.

Que de chemin parcourut depuis l'errance du coracle où sa mère le déposa.

« J'ai parcouru le monde connu, chanté bien des rois, composé de multiples odes, bu à toutes les fontaines de l'inspiration, j'ai vécu l'expérience de tout le vivant et c'est pourquoi même le blé danse lorsque je joue, le saumon fraie dans l'eau sacrée à mon approche, les arbres frémissent et me chantent.

De tout temps j'appartiens à ce monde mais aussi à l'autre monde que je vais bientôt rejoindre, ma lyre me suivra car nul autre que moi ne saurait en jouer, pas même Merlin compagnon de mes jours anciens. »

Sous les doigts du prince des Bardes, la mélodie s'élève et voici que l'Oeil du Jour en son lever le salue dans la douceur de l'aube.

Une femme s'avance en dansant, d'où vient-elle ? Nul ne saurait le dire, mais elle vient recueillir en cœur, son sein, son oreille, la voix du Barde et sa musique. La Renommée de Taliésin est venue jusqu'à elle, qui vit au cœur de la colline dans sa maison creusée sous la Terre. Et tandis qu'elle s'éveillait, les notes de musique ont cueilli son cœur, reconnaissant alors qu'elles ne pouvaient qu'être les filles de Taliésin, elle s'est mise en route.

Mais au lieu de marcher, son corps a dansé, dansé, heureux et libre, plein de la sagesse des femmes qui ont déjà vécu, aimé, souffert, et qui ont tiré enseignement et co-naissance de leurs expériences. Aujourd'hui libre de tout attachement, elle danse à la rencontre du barde au Front brillant.

Elle ose se montrer, et ses cheveux d'or brillent dans le Soleil et dessinent autour de sa tête un halo dont la clarté et la pureté sont égales aux notes de musiques que les doigts enchantés font naître de la Lyre des Dieux.

Taliésin la voit et ses yeux brillent de joie, elle est la dernière rencontre, celle à qui il transmettra, non pas la lyre en elle-même, mais l'art de conter et de s'accompagner à la lyre, car il a reconnu en elle une femme de la lignée d'Etain. Oui, Etain qui comme lui connût des métamorphoses, bien des secrets en son cœur gardé.

Alors, les mains agiles bien qu’âgées dansent sur les cordes et le Soleil s'élève et dans le vent chaud de l'été, puis se lève la Lune, le temps ne compte plus, les nuits succèdent aux jours, c'est qu'il a tant à transmettre Taliésin, tant vécu !

Elle s'abreuve aux lèvres du poète et grave en son sein, les mots, les mots si précieux sous le regard ému de Brigitt et les mélodies qui les accompagnent.

Et cela dura de Beltaine à la Samhain, pendant toute la saison claire.

Au soir de la Samhain, le tertre s'ouvrit et Taliésin descendit vers le Sidh toujours jouant de la lyre dans un adieu au monde qu'il quittait après tant de siècles , et, une salutation pour l'Autre-monde où il connaîtrait le repos de l'âme et l'éternelle joie.

Mais si vos cœurs s'ouvrent, vous pouvez entendre dans le vent de l'été qui danse dans le feuillage des frais bouleaux, le souffle de Taliésin qui n'en n'a pas fini de parcourir la Terre des hommes !

Quant à la descendante d'Etain, voyez-vous, elle a parcouru la Celtie pour que chacun se souvienne du barde au front radieux, de Taliésin, prince des bardes et c'est ainsi que nous sont parvenus ses paroles, à nous de les comprendre aujourd'hui et d'en tirer sagesse et enseignement sous la protection du manteau de Brigitt.

Colette-Leclercq

02/07/2017